Le Livre
ImageSingulières est un festival de photographie documentaire créé en 2009 à Sète. Chaque année, un photographe de renom est invité à porter son regard sur la ville et à produire une série de photographies qui font l’objet d’un livre. De grands photographes ont ainsi donné naissance à une collection remarquable qui révèle toutes les facettes de la photographie contemporaine.
En 2018, la carte blanche a été confiée à Stéphane Couturier, photographe connu pour son travail où la ville est abordée comme un organisme vivant en transformation permanente.
Christian Caujolle, critique et commissaire d’exposition, accompagne d’un texte le corpus d’images.
De son approche de Sète, Stéphane Couturier écrit :
« Mon travail photographique et vidéo sur la ville de Sète cherche à expérimenter une sorte de révélation photographique. Plutôt que de saisir successivement différentes vues de la ville, l’idée est de s’approcher au plus près des sensations pures que l’on perçoit lors des déambulations dans la ville, en juxtaposant deux points de vue dans la même photographie. Le processus s’apparente à une sorte de persistance rétinienne, dans laquelle les fragments photographiques s’entremêlent. La dualité photographique établit un va-et vient entre différentes sensations, témoignage de la fluidité des choses, toujours en transformation. Cette position permet de garder toutes les données sensorielles d’un même lieu, sans les organiser, ni les hiérarchiser. Ce qui parait indécis, déséquilibré, glisse peu à peu vers son but : la révélation photographique.
Avec comme vocabulaire photographique la frontalité de la trame urbaine associée aux formes géométriques des couleurs de la ville, ces fragmentations, tensions dynamiques et hybridations chromatiques font surgir la ville de Sète dans sa perpétuelle évolution.
Nous ne pouvons qu’être frappés par l’analogie du réveil qu’évoque Paul Valéry lorsqu’il prononce, le 7 janvier 1939, son allocution à l’occasion du centenaire de l’invention de la photographie : « Peu à peu, ça et là, quelques taches apparaissent, pareilles à un balbutiement d’être qui se réveille. Ces fragments se multiplient, se soudent, se complètent, et l’on ne peut s’empêcher de songer devant cette formation, d’abord discontinue, qui procède par bonds et éléments insignifiants, mais qui converge vers une composition reconnaissable, à bien des précipitations qui s’observent dans l’esprit ; à bien des souvenirs qui se précisent ; à des certitudes qui tout à coup se cristallisent ; à la production de certains vers privilégiés, qui s’établissent, se dégageant brusquement du désordre du langage intérieur ».
Le temps du surgissement, que Valéry ne se lasse pas d’observer, est l’élément fondateur de cette série sur Sète. Pour chaque lieu retenu, le protocole consiste à choisir deux points de vue, par exemple en champ-contrechamp, afin de saisir une synthèse du lieu. L’équilibre recherché entre formes géométriques et combinaisons de couleurs peut, in fine, s’assimiler à une entreprise de déconstruction de la photographie.
La plupart des quartiers auront été traités dans ce sens, ainsi le centre ville, les quartiers de la Pointe Courte ou du Pont-Levis, le port de commerce, le quartier Haut, etc., apparaissent sous forme d’un assemblage de masses, de matières, de textures et de couleurs purement sétoises. »