Dans la série de Denis Dailleux, qu’il intitule « Ma tante Juliette », Juliette, sa grand-tante, joue. Et lui aussi. Juliette, femme de ferme, en pied, ou en pièces et morceaux, mains, œil, le droit le gauche, fermés les deux, le droit et le gauche, cheveux, effets de cheveux, cuisse, effets de cuisse ; et la cicatrice de son bas est recousue à gros points. Juliette crêtée de rhubarbe folle. Juliette de face, Juliette de profil, ou de dos. Et son chignon bas de vieille dame devient un coquillage, une fleur rare. Juliette dans le miroir. Sans le neveu, ou avec lui. Juliette avec ou sans canne. Suspendue, accrochée au fil du linge et du temps. Masquée d’un bas, fin prête pour le casse du siècle. Grimaçante, délurée, déchaînée, intenable. Partie pour le carnaval, loup en tête. Malicieuse. Presque mutine, toujours mutinée. Tragique et fatale au bord de la toile cirée. Seule. Juliette à cru, à vif, a capella. Couronnée d’un cœur de tournesol, ou de plumes comme un chef indien, ou de papier doré comme une qui aurait trouvé la fève dans la galette. Embusquée. Drapée de feuillages africains, ficelée, emballée. Juliette au couteau. En blouse, et en tablier, ou en gilet de laine. Juliette à sa coiffure dans l’antre d’une chambre profonde. Avec ou sans chapeaux. Chapeaux de paille, désinvoltes, effrontés, royaux. Juliette en queen. Juliette en châle frileux. Ou armée d’un plein panier de haricots.
Juliette en cible émouvante.
Nous n’épuiserons pas Juliette. C’est elle qui nous épuisera.
Sous les lampions des jeunes étés Juliette en cavalière bleue.
Juliette for ever.
– Marie-Hélène Lafon, Juliette, 2019, avec les photographies de Denis Dailleux.
En relisant en patientant, une chronique de confinement par Le Bec en l’air