Le Livre
Installé en Provence depuis 1958, le photographe Denis Brihat y a développé une œuvre d’une force et d’une cohérence rares dédiée au monde végétal et aux mystères de ses formes. Faisant une grande place au labeur de la main, Denis Brihat poursuit jusqu’en 2012 un patient et méticuleux travail de laboratoire, explorant et exaltant les possibilités des techniques de virages appliquées aux tirages argentiques noir et blanc afin de reconstituer et transfigurer, par la chimie des sels métalliques, les couleurs de la nature. Dans les années 1960, il est sans doute le premier photographe français à se consacrer exclusivement à une photographie destinée à être montrée au mur, prétendant au statut d’œuvre d’art au même titre que la peinture. Il invente le terme de « tableaux photographiques ».
Ses thèmes de prédilection, après les paysages des débuts, sont les fruits, légumes et végétaux de son potager et de son jardin : coquelicot, poire, ail, chou, kaki, chardon, fleur de carotte… Parmi eux, l’oignon tient une place à part, qu’il a exploré de façon obsessionnelle pendant un demi-siècle. Ce livre éclaire cette passion singulière en rassemblant pour la première fois une centaine de ses images cépacées les plus remarquables, offrant ainsi au public la chance de découvrir dans toute sa profondeur une des grandes aventures de l’histoire de la photographie.
Extrait du texte de Michel Poivert
En ce début des années 2020, notre regard sur les oignons de Denis Brihat opère un retournement. Il ne s’agit plus d’évoquer l’acharnement esthétique d’un expérimentateur isolé, mais le manifeste d’une représentation du vivant à l’heure où l’image de la nature ne trouve plus guère d’imaginaire autre que les dystopies. Alors que les oignons, c’est l’histoire d’un artiste jardinier qui aura anticipé sur notre besoin de ralentissement, sur notre désir de trouver de nouvelles résonances, sur notre appétit de frugalité : notre interrogation métaphysique sur le futur du vivant. L’oignon peut-il contenir tout cela ? Peut-il dans ses positions, ses pelures successives, ses capacités à nous faire pleurer de beauté dans une apologie des larmes, porter une forme de représentation de la nature abîmée de l’ère de l’anthropocène ?
Denis Brihat’s Onions
Based in Provence since 1958, photographer Denis Brihat has developed a body of work of rare strength and coherence. Thanks to his command of chemical processes, he is able to render and magnify the colors of the world of plants. The onion holds a special place in his repertoire, and he has studied it obsessively for half a century. This book brings together nearly one hundred of his bulb portraits, offering the public a chance to discover one of the greatest adventures in the history of photography. The images are complemented by several essays, including one by art historian Michel Poivert on the theme of obsession, as well as an interview with the artist that sheds light on his singular passion.