Le Livre
En 1951, le photographe Étienne Sved entreprend un voyage en Algérie au cours duquel il réalise un travail photographique de la même qualité que celui entrepris en Égypte dix ans plus tôt (Maalesh, Le Bec en l’air, 2003). Ses photos se démarquent radicalement de l’imagerie coloniale et montrent la société algérienne des années 1950 à travers des scènes prises sur le vif captant sans a priori le quotidien d’une Algérie entre deux ères. Au fil des jours, Sved s’éloigne d’Alger et s’aventure jusqu’aux portes du désert, découvrant la réalité d’une société rurale.
Derrière l’apparent immobilisme des scènes de marché, derrière les regards presque fermés des hommes et des femmes, c’est le quotidien d’un peuple qui apparaît, comme une annonce discrète des bouleversement historiques à venir. Avec ces images inédites, dont la force demeure intacte, Sved nous confirme que l’art est aussi un moyen de voir et de révéler la mémoire.
Malek Alloula, Maïssa Bey et Benjamin Stora apportent tour à tour un éclairage artistique, fictionnel ou historique sur ces images.
Algiers 1951. Signs of a country in waiting
In 1951, Algeria was under French colonial rule and the few images taken of the country were taken by the colonists. This is the year Étienne Sved visited Algeria. It started taking photographs. These images are not like those we are used to seeing of Algeria. They depict society in the 1950’s through real-life scenes. Behind the apparent stillness of markets, and the inscrutable glances of the inhabitants, these little known photos reveal the daily life of a people and herald the coming conflicts. In the next few years, the Algerian War of Independence was to break out.
Les auteurs
Benjamin Stora
Étienne Sved
Né en Hongrie en 1914, Étienne Sved intègre en 1930 une école de graphisme que fondent à Budapest des professeurs du Bauhaus fuyant l’Allemagne nazie. Juif, il doit à son tour quitter son pays à l’arrivée des Allemands et se réfugie en Égypte.
Journaliste pour le Progrès égyptien, il publie de nombreux dessins satiriques avant de découvrir la photographie. Il rapportera d’un long voyage à dos d’âne à travers l’Égypte, une impressionnante collection de photos qu’il exploitera dans un autre ouvrage, L’Égypte face à face, avec un texte original de Tristan Tzara [1954]. Installé en France après la Seconde Guerre mondiale, Étienne Sved y prolonge sa démarche photographique tout en menant avec succès sa carrière de graphiste publicitaire. Dans les années 1970, il crée sa maison d’édition en haute Provence et publie Provence des Campaniles [Prix Nadar en 1970]. Il poursuit son travail d’éditeur et de photographe jusqu’à son décès, en 1996.
En 2003, le musée Nicéphore Niépce fait l’acquisition du fonds photographique moyen-oriental d’Étienne Sved : 3000 négatifs et vintages [tirages d’époques].
Au Bec en l'air, Étienne Sved est l'auteur de deux livres, Maalesh. Voyages en Égypte (avec des textes de Jean Cocteau et de François Cheval) et Alger 1951. Un pays dans l'attente (avec des textes de Malek Alloula, Maïssa Bey et Benjamin Stora).
Maïssa Bey
Malek Alloula
Né à Oran en 1937, poète, critique et essayiste, Malek Alloula s’est installé à Paris à partir de 1967. Il est décédé à Berlin, où il était en résidence, en février 2015. Par son œuvre discrète, il est un acteur majeur de la poésie algérienne. Il se révèle aussi critique d’art à travers son livre Le Harem colonial, images d’un sous-érotisme [éditions Slatkine, 1980 – éditions Séguier, 2001], où il met à nu l’imagerie coloniale et ses stéréotypes. Parmi ses publications, Villes et autres lieux [Bourgois, 1979 – Barzakh, 2007], Les Festins de l’exil [Françoise Truffaut, 2003] et Le Cri de Tarzan [Barzakh, 2008]. Au Bec en l’air, il est l’auteur en 2005 d’un des textes d’Alger 1951. Un pays dans l’attente en accompagnement des photos d’Etienne Sved, d’un autre dans Algérie Indépendance en 2009 sur les photos de Marc Riboud et d’un dernier dans Alger sous le ciel en 2014.