Le Livre
Le photographe iranien Payram quitte son pays pour la France en 1983, chassé par la révolution islamique. Depuis plus de trente ans, il apprivoise sa condition d’exilé par le biais d’une relation intime à la lumière, à la fois physique et métaphysique.
Car si la lumière est par définition le matériau fondamental du médium photographique, chez Payram elle en est aussi le sujet, le support même du sens et la trace de l’indicible. Elle dépasse le simple moyen esthétique. Dans nombre de ses images en effet domine une trace lumineuse, peu étendue mais éblouissante. Un autre photographe aurait peut-être préféré l’atténuer mais Payram au contraire la traque, la provoque et l’arrache au noir – c’est-à-dire à l’absence d’un chez soi devenu ailleurs définitif.
Posées devant nous par quelqu’un qui sait qu’il ne sera plus jamais de là d’où il est parti, ni jamais tout à fait de là où il est parvenu, ces traces ouvrent au lecteur le chemin de ses propres interrogations existentielles. Interrogations forcément multiples et complexes car, comme l’écrit Payram, « il y a la maison. Il y a la nostalgie. Il y a la femme. Il y a l’intérieur. (…) Il y a la sérénité. Il y a la nature morte. Il y a le blanc. Il y a l’extérieur. (…) Il y a le baluchon. Il y a l’horizon. Il y a l’ange. Il y a la mémoire. Il y a le paysage. Il y a le souvenir. Il y a l’éloignement. Il y a la destruction. Il y a le calme. Il y a beaucoup de lumière ici. »
Cette dernière phrase du texte de Payram donne son titre à la présente monographie. Celle-ci souhaite rendre hommage à cette quête de lumière et à ce travail de transformation de la matière en revisitant notamment les Polaroids de la série « Fragile » (1988-2008) ainsi que d’autres séries inédites. Instantanés et uniques comme le veut le procédé, leur fragilité est accentuée par les accidents spécifiques au plan-film Polaroid 55, et leur puissance évocatrice intensifiée par la richesse de détail de la chambre grand format.
Florent Maubert, galeriste de l’artiste, écrit à propos de ces Polaroids : « Ils témoignent d’expériences quasi mystiques que l’artiste réalise dans son studio : celle d’un ange qui déploie ses ailes de lumière, d’une femme qui reçoit des stigmates lumineux au creux de sa main… Des traces de lumière rappelant la trace fragile des hommes, où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent. »