Le Livre
Au royaume de Babok est une monographie très personnelle de l’artiste Olivier Rebufa, dont on pourrait dire qu’elle procède pour cet artiste d’une nécessité vitale après une expérience intense et insolite de pratiques chamaniques, liées à son enfance passée en Afrique. C’est là qu’il a entretenu un lien exceptionnel avec celle qu’il nomme « sa seconde mère », une femme guinéenne prénommée Dina, prêtresse, devineresse et guérisseuse, et qui – chose rare pour un Occidental – l’a reconnu comme son fils dans l’héritage de ses pratiques.
Au début des années 2000, Olivier Rebufa tombe par hasard, dans la salle d’attente du cabinet de son dentiste, sur un magazine féminin contenant un reportage sur des « féticheuses » africaines. Est-ce l’illumination ? Peut-être pas, mais en tout cas une question, qui va s’amplifier, se nourrir, s’identifier à son travail. Quel poids (réel, symbolique ou numérique) s’accolerait donc à une photographie chargée, « fétichée », envoûtée ? Si les sorts et les grigris ont bien une durée limitée au temps de leur réalisation, qu’arriverait-il aux photos soumises à ce traitement à la fin de cette action ? Perdraient-elles leur image photographique, leurs qualités plastiques, leurs charges argentiques, leur définition numérique ? Cette interrogation sur la potentialité magique de la photographie se matérialise dans le travail que l’artiste va alors entreprendre. Mais avant cela, il a fallu que les objets s’incarnent pour que les photographies d’Olivier Rebufa assument leur densité d’interrogation, de doute et, pourquoi pas, de noirceur. Il lui a fallu pénétrer au Royaume de Babok…
L’originalité du livre tient à la mixité des éléments visuels : on y trouve tout à la fois des images issues des archives personnelles de l’artiste, des photographies qu’il a réalisées lors de ses séjours à Dakar ou ailleurs, des photographies de ses œuvres, d’autres issues du processus de création de ses mêmes œuvres, des autoportraits, des expérimentations photographiques, le tout hybridé dans une mise en page qui joue sur les codes graphiques des albums de famille, des livres de notre enfance, des carnets de travail et des catalogues d’exposition…
La singularité éditoriale de l’ouvrage tient aussi aux textes. Ils ont été écrits à la première personne – incarnant donc, de fait, le récit d’Olivier Rebufa –, mais non par lui puisque c’est son complice artistique de longue date, l’historien d’art François Bazzoli, qui en est l’auteur, entretenant ainsi un double fictionnel avec l’artiste.
In the Kingdom of Babok
“Au royaume de Babok” is a monograph by artist Olivier Rebufa, which could be said to derive for this artist from a vital need after an intense and unusual experience of shamanistic practices, linked to his childhood in Africa. The originality of the book lies in its diversity of visual elements (archives, photographs, works, exhibitions, etc.) and texts written in the first person by François Bazzoli, creating a fictional double with the artist.