Le Livre
Comment photographier ce qui n’est plus et ce qu’on a tenté d’effacer ? Pour Kathryn Cook, la photographie demeure un outil essentiel pour la mémoire de l’humanité et, au-delà, pour questionner les enjeux de cette mémoire. Depuis sept ans, la photographe mène un patient travail sur les traces du génocide des Arméniens – le premier de l’histoire du XXe siècle – qui a causé la mort de plus d’1 million d’Arméniens en Turquie. Avec une écriture photographique contemporaine, où le poétique côtoie le documentaire, elle parvient à dénouer les fils d’une histoire parcellaire faite de non-dits et de dénis à travers les témoignages d’Arméniens et de Turcs rencontrés en Arménie, en Turquie, au Liban, en Syrie, en Israël ou à Marseille… Elle s’attache ici aux vestiges de cet héritage qu’elle inscrit dans une narration éblouissante mêlant photographies en noir et blanc et en couleurs. Avec cet exceptionnel travail, elle établit une relation nouvelle à la question de la représentation de la souffrance et du malheur, procédant par allitérations et symboles. Le titre Memory of Trees, « Mémoire des arbres », fait référence au village turc d’Ağaçlı, à l’est de la Turquie, que Kathryn Cook a longuement photographié et qui est en quelque sorte la métaphore de sa démarche artistique. En turc, Ağaçlı signifie « avec des arbres », ou « place des arbres ». Ce village qui était arménien avant 1915 est aujourd’hui habité par une majorité de Kurdes qui font renaître la tradition du tissage de la soie comme le pratiquaient autrefois les Arméniens.
Memory of Trees a été récompensé par le German Photobook Award (Silver Price).
Memory of Trees
For seven years, the American photographer Kathryn Cook has been patiently working on the trail of Armenian Genocide – the first in the history of the twentieth century – which has killed more than 1 million Armenians in Turkey. With a contemporary photographic style that mixes colour with black and white, along with a poetic documentary, she manages to revive the threads of an unspoken history and its denials.
Memory of Trees won the German Photobook Award (Silver Price).
Les auteurs
François Cheval
François Cheval est né en 1954. Formé à l’histoire et à l’ethnologie, il a été de 1996 à 2017 le conservateur du musée Nicéphore-Niépce à Chalon-sur-Saône, où il a entrepris de débarrasser la photographie de ses présupposés et de présenter l’originalité du « photographique » à travers une muséographie et un discours renouvelés.
Il est à l’origine d’expositions et de rétrospectives remarquées (Charles Fréger, Antoine d’Agata, Stanley Greene, Bruno Boudjelal, Peter Knapp, Saul Leiter, Erwin Blumenfeld, Denis Roche, John Batho, Peter Knapp, Mac Adams, Raoul Coutard…) et défend une jeune photographie exigeante (Elina Brotherus, Raphaël Dallaporta, JH Engström, Claire Chevrier…).
Commissaire de plus de cent expositions, François Cheval s’attache à remettre en cause dans chacune d’elles les certitudes de l’histoire de la photographie, en créant des moments de découverte, de plaisir, d’interrogation et de surprise.
Sollicité pour des projets d’envergure à l’échelle internationale, il est depuis décembre 2017 le directeur, avec Duan Yuting, du musée de Lianzhou, le premier musée de photographie contemporaine en Chine. Il rédige de nombreux textes sur la photographie qui font de lui une référence dans le champ critique. Au Bec en l’air il a contribué aux livres Maalesh, Le Même soleil, The Narrative Void, Ce qu’on n’a pas fini d’aimer, Memory of trees, Monumentalbum, Algérie, clos comme on ferme un livre ? et Le Destin tragique d’Odette Léger et de son mari Robert.
Karin Karakaşlı
Karin Karakaşlı vit à Istanbul où elle est une journaliste engagée au sein du magazine Agos et l’auteure de textes de fiction et de poésie.
Kathryn Cook
Née en 1979 aux États-Unis, Kathryn Cook vit à Rome. Elle est représentée par l’agence VU’. Ses photographies paraissent régulièrement dans la presse internationale [The New Yorker, The New York Times, Time, Stern, Le Monde 2, The Independent…] et ont reçu plusieurs récompenses prestigieuses parmi lesquelles le Inge Morath award [2008], le Aftermath Project grant [2008], le Enzo Baldoni award [2008], le Alexia Foundation grant [2012]. Ses photographies approchent la topographie, la mémoire, l’oubli et montrent subtilement comment la compréhension d’un paysage évolue quand on sait ce qui s’y est passé. Bien plus qu’une simple documentation des faits, elles délivrent la charge émotionnelle de l’histoire. Son travail « Memory of Trees » a fait l’objet d’une exposition au MuCEM [Marseille] dans le cadre de Marseille-Provence 2013. Capitale européenne de la culture.