Description
Jane Evelyn Atwood a consacré dix ans de sa vie à photographier les femmes en prison. Initié en 1989, ce travail colossal l’a menée dans quarante prisons situées dans neuf pays d’Europe et aux États-Unis. Elle y a rencontré des détenues aux vies marquées non seulement par l’ignorance, la pauvreté, des familles brisées, mais aussi par des années d’abus physiques, moraux et sexuels infligés par les hommes.
Publié pour la première fois en 2000 en France et aux États-Unis, Trop de peines s’est rapidement imposé comme un classique de la photographie documentaire, qui saisit par sa rigueur et sa profonde humanité. Longtemps épuisé, ce livre majeur, œuvre d’une des plus grandes photographes documentaires de notre époque, reparaît dans une nouvelle édition enrichie de photographies inédites et d’une postface de Jane Evelyn Atwood.
Alors que partout dans le monde sont menacés les acquis des luttes menées par les femmes pour disposer librement de leur corps, ce livre nous rappelle avec force l’urgence politique du sujet des femmes en prison.
«On me demande souvent comment j’ai pu passer autant de temps sur un sujet aussi triste. Au départ, la curiosité était mon principal motif. La surprise, le choc et la stupeur ont pris le relais. Puis la rage m’a portée jusqu’au bout.
Une femme m’a raconté que son mari la forçait à mettre le réveil pour avoir des relations sexuelles avec lui trois fois par nuit. Elle a enduré cela pendant des années, jusqu’au jour où elle a tué celui qui la tenait en otage. Une autre m’a expliqué que son mari avait été tué d’un coup de fusil par leur fille, qu’il avait poignardée au bras « en souvenir de lui ». Il avait versé du café bouillant sur la tête de sa femme parce qu’elle n’avait pas mis assez de sucre dedans. Il avait uriné sur le parquet du salon parce qu’un de ses enfants refusait de sortir des toilettes. Cette femme purgeait une peine pour non-assistance à personne en danger, parce qu’elle n’avait pas secouru son mari face à sa fille. J’ai écouté ces histoires et je suis sortie de prison avec une seule idée en tête : il faut témoigner.
J’ai décidé de me concentrer sur les femmes qui font de la prison pour des délits de droit commun (pas de terroristes, donc, ni de prisonnières politiques). Je voulais savoir qui elles étaient, d’où elles venaient, et à quoi ressemblaient leurs conditions de vie. Durant les neuf années qui ont suivi, j’ai photographié des femmes dans quarante prisons, maisons d’arrêt, centres de détention et pénitentiaires, dans neuf pays.
Regardez bien ces femmes. Elles ont eu le courage d’assumer leur culpabilité, de vouloir changer, de nous parler, avec leurs mots et leurs images. Ce sont les femmes à qui nous avons tourné le dos.»
Jane Evelyn Atwood